Avant de monter derrière le chauffeur, il vaut mieux lui préciser que vous n’êtes pas pressé et vérifier qu’il ne sent pas le sodabi (alcool blanc) ou le tchouc (bière de ?), que les rétro sont bien là et les pneus pas trop lisse. Tout ça pour limiter les risques d’accident dans un pays où il n’y a pas vraiment de service de médecine d’urgence. Quelques rares chauffeurs ont un casque (pour eux-même). Celui que j’ai pris hier soir pour rentrer de la journée de la Terre organisée par L’association Jeunes Volontaires pour l’Environnement au collège protestant avait un casque, mais j’ai négocié la course au tarif togolais et non yovo (blanc). Vexé, il a circulé sur le goudron à toute vitesse

Il y a deux routes pour rejoindre le centre Mytro Nunya : celle qui passe sur le goudron et l’autre. Seules les routes principales ou celles qui desservent les maisons du président sont recouvertes de goudron. Mis à part les nids de poule (ou d’autruche pour certains) elles sont pratiques pour circuler d’un bout de la ville à l’autre. Il y a ensuite les « pavées », de qualité intermédiaire et qui peuvent ressembler à une mer figée sur place avec un belle effet de vague du plus bel effet pour casser les amortisseurs ou se remplir d’eau lors des pluies. La dernière qualité de route est simplement une rue de terre. Il suffit qu’il y ait un peu de pente pour qu’une reproduction miniature du grand canyon se creuse devant votre porte. L’érosion peut atteindre plusieurs dizaines de centimètres de haut. Le seuil des maisons se retrouve au bout de quelques années inaccessibles si des marches ne sont pas ajoutées.

Je commence à préférer les routes de terres, quelque fois agrémenté de banc de sable : je me dis que ça fait moins mal quand on tombe, et les motos y roulent moins vite. Un matin, après une nuit pluvieuse, mon chauffeur parfumé au sodabi et qui avait perdu sa poignée de frein lors d’un probable accrochage, a effectué un début de glissade sur le côté gauche accompagné d’une rotation de 90° en plein milieu du goudron pour éviter une autre moto qui voulait passer au premier rang alors que le feu passait au rouge. Plus de peur que de mal dans ce dérapage presque contrôlé, mais je fais un peu plus attention maintenant et je vérifie l’état de la route et de la circulation en même temps que mon chauffeur.

Moi qui rêvait de faire le Paris-Dakar (pour ceux qui me lise pour la 1ère fois : c’est une remarque ironique), je le pratique un peu tous les jours. Les rares voitures individuelles viennent du port et sont souvent des occasions. Je n’ai aperçu qu’un concessionnaire dans la ville, pour Citroën-Toyota et l’entreprise est un reste de société coloniale. Vu ce que coute une voiture individuelle à l’achat plus son entretien et l’essence, les rues sont surtout remplies de moto, scooter, camion et taxi. C’est assez dépaysant par rapport à l’Europe de l’ouest.

Le taux de change est de 656 F CFA pour 1 Euros. Le litre d’essence est autour de 600 F CFA soit presque autant que 2Kg de riz importé. Les petits boulots gagnent moins de 15 000 FCFA par mois, l’équivalent du SMIG (qui n’est pas appliqué) est à 30 000 F CFC. Une famille de 10 personnes peut manger pendant une semaine pour 10 000 F CFA. Une voiture d’occasion coute dans les 1 à 2 millions de F CFA. Comme en Europe de l’est, toutes proportions gardées, je retrouve l’organisation des transports collectifs. Quand il n’y a pas de voiture individuelle, le secteur privé organise un service (moto, taxi, bus) que le secteur public n’est pas en moyen d’offrir. Par contre je ne me souviens pas d’avoir vu autant de deux-roues au cours de mon voyage, c’est en Afrique que j’ai découvert ce phénomène.

Les associations togolaises écrivent comme nous leurs conseils pour les éco-gestes : régler son moteur, nettoyer les filtres, contrôler la climatisation, tant il est vrai qu’un riche, au Sud comme au Nord, est un pollueur en puissance. Mais le problème ne se situent pas sur les quelques milliers de véhicules individuels que compte le Togo. Les transports ont besoin d’être sécurisé dans tous les domaines.

Les routes sont en mauvais état, les camions de marchandise sont en surcharge afin de compenser les « cadeaux » à payer à tout se qui porte un uniforme ou représente un organisme officiel. Des camions qui sont par ailleurs en mauvais état, dont les freins ou les essieux peuvent casser à tout moment.

Autre problème majeur : la répartition des récoltes d’une région à l’autre. Le manque d’organisation empêche le transfert des surplus agricoles d’une région à l’autre. Ce manque d’intérêt des classes dirigeantes, l’analphabétisme des personnes, la corruption mais aussi l’héritage d’une économie colonialiste tournée vers l’exportation s’ajoute aux impacts du changement climatique. Voila le lien entre les motos et le climat.

La modification du climat en Afrique de l’ouest modifie le rythme des saisons. Les mois en langue vernaculaire sont liés aux travaux agricoles, mais les paysans ne peuvent plus s’y fier : le mois de la pluie peut être sec, celui de la plantation des ignames ne pas convenir, etc. Les jeunes au centre Mytro Nunya me racontent que les gens se tournent vers les esprits qui, forcément, doivent être fâchés pour les traiter de la sorte. Mais malgré les montagnes de poulets sacrifiés depuis quelques années, rien ne change. Les villages sont déboussolés et ne comprennent pas ce qui se passe.

La conséquence du changement climatique est la diminution des récoltes. Le problème ne serait pas important si les surplus d’autres régions agricoles pouvaient être acheminés, un programme gouvernemental existe mais ne fonctionne pas. Encore un exemple de la double peine : les paysans subissent le changement climatique et la désorganisation (ou colonisation) du pays empêche la mise en place d’une solution d’adaptation.