Impossible de se déplacer à Mumbai sans les apercevoir, elles sont partout. Les mangroves font partie de l'environnement naturel de la ville, mais elles sont souvent synonymes d'odeurs pestilentielles et d'arbres asphyxiés sous le plastique.

Cette forêt littorale, caractéristique des pays tropicaux humides, joue pourtant un important rôle d'interface entre la mer et la terre, et est nécessaire à l'équilibre de la péninsule. Les mangroves constituent en effet des stabilisateurs pour la zone côtière, et contribuent à sa résilience écologique après les cyclones et les tsunamis.

Les espèces qui s'y développent, surtout des palétuviers, tolèrent un milieu salé et fixent leurs racines dans les eaux calmes et boueuses. Le terme "mangrove" désigne à la fois la plante et l'écosystème, le plus productif en biomasse de la planète. Sur la quarantaine de mangroves répertoriées en Inde, quinze sont présentes à Bombay sur plus de 2 000 hectares.

Mais 50% ont été détruites au cours des vingt dernières années par l'urbanisation rapide –et incontrôlée-, l'industrialisation et la pollution. Les mangroves demeurent tout de même l'habitat naturel de plus de 200 espèces d'oiseaux, 30 reptiles, 20 poissons, et toutes sortes de crustacés. "Les Bombayites ignorent ce qu'est la mangrove et son importance pour l'environnement. Les promoteurs immobiliers la détruisent pour construire des appartements, et les gens pauvres la coupent pour se construire des abris ou se chauffer. Même les gens éduqués ne se gênent pas pour y jeter leurs ordures", déplore Maya Mahajan, docteur en sciences de l'environnement.

La deuxième ville de l'Inde a été édifiée sur une zone qui, en 1670, était un groupe de sept îles entourées de mangroves. Une grande partie de la péninsule telle qu'elle existe actuellement a donc été gagnée sur la mer et la végétation aquatique. C'est l'évolution "naturelle", ou du moins historique, de la ville. Le Bandra Kurla Complex, un nouveau quartier d'affaires coincé entre Dharavi, le plus grand bidonville d'Asie, et Bandra, un quartier chic et résidentiel, se développe actuellement sur la mangrove. Le nouveau parc d'attraction de Borivali au nord de la péninsule et le golf d'Andheri ont également été bâtis en détruisant plusieurs hectares.

La Cour suprême a récemment interdit la destruction des mangroves, classées zone naturelle protégée et toute construction à moins de 50 mètres. Et le Forest department qui dépend de la municipalité de la ville est censé assurer leur protection mais "il a échoué dans sa mission, dénonce le Dr Mahajan. La corruption est telle que les attaques sont quotidiennes". Les seules zones de la ville où la végétation s'épanouit sont celles où la société civile a pris le relais. Comme à Vikroli où la famille Gogrej possède plus de 1200 hectares de mangroves luxuriantes ou à Carter Road où les associations de riverains la protègent.



Qui est Julia Ocir ?

Après avoir fait des études de journalisme à Montréal et débuté ma carrière à Paris, j’ai décidé de partir travailler en freelance pour la presse francophone en Inde. Je suis arrivée il y a un peu plus d’un an sans rien savoir de ce qui m’attendait... Après avoir voyagé pendant quelques mois, j’ai posé ma valise à Bombay à la recherche de quelque chose, à la poursuite d’un rêve, comme la moitié des habitants de cet enfer urbain.

L’Inde n’est pas un pays qui se donne facilement au premier inconnu. Comme une femme qui se fait désirer, elle se laisse observer, admirer, écouter mais sans jamais se dévoiler complètement. Entre attraction et répulsion, elle demeure mystérieuse, fascinante. En tant que journaliste, il est particulièrement intéressant d’y vivre en ce moment car la société se transforme rapidement : Urbanisation, développement, environnement c’est comme si tous les défis de la planète se jouaient ici.