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La première partie de l'interview présentait le projet Avenir climat et faisait le point après 1 an et demi de voyage.

Pouvez-vous nous présenter quelques-unes de vos rencontres ?

1/ L'Arab Climate Alliance

Je n'avais pas prévu d'aller au Moyen-Orient, mais suite à un contact sur Facebook j'ai fait un détour depuis Istanbul pour aller à Beyrouth en avril 2008. J'ai passé plus d'une semaine avec Dalia OBEID, d'IndyACT, la ligue des activistes indépendants du Liban. Cette jeune association a fait le bilan des ONG du monde arabe travaillant sur le climat et c'est rendu compte qu'elles sont moins nombreuses qu'en Afrique. Elle a donc lancé le projet de l'Arab Climate Alliance pour rassembler les ONG, faire de la formation et organiser un lobbying en direction de la ligue arabe.

325 millions d'habitants sur 23 pays sont concernés, les enjeux sont nombreux. L'Arabie Saoudite est l'un des principaux pays qui bloque les négociations de l'ONU sur la suite du protocole de Kyoto. Le manque d'eau déjà important dans la région, qui est aussi une source de conflits armés, va augmenter avec le réchauffement du climat. La nappe d'eau alimentant la bande de Gaza en eau potable va devenir de plus en plus saline et impropre à la consommation. Le delta du Nil risque d'être inondé et ses habitants devront fuir. Les côtes, espaces de développement touristique et de communication, vont être détruites par la hausse du niveau de la mer. Pourtant, le monde arabe dispose d'un espace suffisant et de conditions idéales pour produire de l'électricité photovoltaïque pour lui-même et ses voisins.

La lutte contre le changement climatique est un enjeu important pour cette zone sous tension, et la paix ne pourra avoir lieu qu'en limitant les impacts du changement climatique.

2/ La dette écologique

J'ai participé au Camp Climat allemand en août 2008. J'ai rencontré Victor Nzuzi Mbembe, paysan de Côte d'Ivoire, porte-parole de Via Campesina et du Comité pour l'annulation de la dette du Tiers Monde. Son témoignage poignant explique le phénomène de migration des villageois vers les villes. Le changement climatique modifie les rythmes de pluviométrie et les paysans ne peuvent pas adapter leur agriculture. Les récoltes sont moins bonnes et des familles se trouvent forcées de se déplacer en ville en espérant trouver de quoi survivre. Pour certains, la migration suivante est la fuite en Europe car les villes africaines ne peuvent subvenir à leurs besoins de base. Au péril de leur vie, ils traversent déserts et océans et affrontent la forteresse Europe. En réponse, l'Union européenne développe une politique sécuritaire appelée "Frontex" pour renforcer le contrôle de son territoire au-delà de ses frontières, au Magreb par exemple.

Les paysans africains se voient infligée une double peine par les pays du Nord. Premièrement, c'est le Nord qui a pollué l'atmosphère et est responsable du changement climatique. Mais les premières victimes sont au Sud, parmi les populations qui ont le moins de moyens pour s'adapter, comme ces paysans cultivant leur terre sans outils et qui ne peuvent s'offrir un système d'irrigation. Deuxièmement, le Nord continue une politique néo-coloniale en exigeant le remboursement d'une dette plusieurs fois payée par le Sud et qui empêche ces pays de développer des politiques de protection de l'environnement, de santé, d'éducation...

Il faut que le Nord reconnaisse sa dette écologique envers le Sud, qu'il annule les dettes et commence à payer pour les mesures d'adaptation aux impacts du changement climatique et de développement.

3/ Pour un nouveau siècle des lumières

En février 2008 j'ai eu la chance de rencontrer Mme BOGATAJ à Ljubljana en Slovénie. Cette scientifique spécialisée en agriculture est co-présidente du groupe de travail n°2 du GIEC en charge de l'adaptation au changement climatique. Le GIEC est le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, il a obtenu le prix Nobel de la paix en 2007 pour son travail d'étude du changement climatique.

Elle venait de réagir dans la presse au fait que l'Union Européenne n'avait pas fixé d'objectif à la Slovénie pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. C'est comparer la Slovénie à un pays en développement alors que ce pays qui présidait à cette époque l'UE devrait également réduire ses émissions. Elle me présente les impacts économiques du changement climatique pour son pays : sécheresses estivales et risque de désertification diminuant la production agricole alors qu'une part importante des exploitations sont encore familiales, diminution de l'enneigement et baisse de l'activité touristique, inondation plus fréquentes et mortelles dans des villes et villages qui ne sont pas adaptés à ce type de nouveau risque.

Après plusieurs années au sein du GIEC, Mme BOGATAJ se déclare de plus en plus pessimiste. Les politiciens qu'elles côtoient à tous les niveaux ne prennent pas conscience de l'urgence climatique. Elle souhaite un nouveau siècle des lumières, un changement radical de notre mode de pensée qui nous permettrait de trouver des solutions indépendamment du système qui a engendré le problème.

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