norrebro55 Les en-cas dans la rue sont 30% moins cher qu'en centre-ville, les épicerie proposent les sac de patates par paquet de 5Kg ou lieu d'1Kg, les magasins de voitures ne présentent que des modèles d'occasions...
Dans la rue, je croise des vieux sans dents qui ont l'air un peu dingue, des groupes de femmes "qui ont gardé leur drap sur la tête" comme m'a dit un colocataire, des adolescentes aux traits asiatiques maquillé comme des voitures volés, des étudiants qui fréquentent la bibliothèque voisine.
L'avenue n'est pas très agréable, c'est un grand canal urbain, dont les digues sont des immeubles de brique aux couleurs rouges assombries par le temps humide et la nuit précoce qui vous accueille dès le début d'après-midi. Le fond du canal est animé par des rangées successives : les piétons d'abord, les vélos, puis les bus et enfin les voitures, qui filent à toutes vitesse au milieu de cette ligne droite. C'est tout de même très pratique car le canal s'étend du centre-ville jusqu'à la banlieue, quasiment en ligne droite. Pour moi c'est parfait, je suis relié en bus, métro ou vélo aux principaux sites du sommet officiel ou alternatif de la COP15.

norrebro1 La rue où j'habite est l'une des dernières encore constitué de petites maisons ou d'immeuble bas. Mon immeuble est sur 3 niveaux, ça douzaine d'occupant vivent dans quatre appartements et se croisent toutes la journées, pour cuisiner chez l'un, papoter dans la chambre de l'autre, faire la lessive en commun avec la machine à laver du sous-sol ou chercher ce qui me semble être la dernière pompe à vélo de la maison ! On fait coucou au voisin par la fenêtre, d'autres jeunes avec qui ont fait des collages d'affiches depuis quelques semaines pour annoncer les manifs durant la COP15.

norrebro5 Au coin de ma rue il y a un jardin public, le seul espace vert public du quartier. Un drapeau cubain flotte au milieu, sans doute offert par l'un des groupes communistes qui dont on voit les vitrines par ici. Cet îlot est entouré par des barrières ou des containers qui servent de cabanes de chantiers aux ouvriers. Un groupe de vieilles maisons a été détruites, et des gens du quartier en ont profité pour planter de la pelouse, mettre un banc et des jeux pour les enfants. La dernière maison du groupe est en train d'être démonté et emballé mur par mur, un énorme camion vient les chercher pour sans doute la reconstruire plus loin.

destruction.jpg Les immeubles neufs prennent la place sur les maisons décrépies. Après Vesterbro (quartier de prostitution, des drogues durs et de la gare centrale), Norrebro est la nouvelle cible des riches. Les magasins à la mode arrivent : restaurant à sushi dont le plats de base est deux fois plus cher que le restaurant voisin, coiffeurs-visagiste appliquant les mêmes prix, boulangerie "à la française"... Les vélos (ont est à Copenhague quand même) sont rafistolés au pied d'un immeuble et rutilant au suivant.

IMG_9082.JPGCette gentrification, ou embourgeoisement en français, à lieu quand une classe aisé redécouvre un quartier proche du centre-ville et expulse les plus faibles économiquement qui doivent s'éloigner et chercher des loyers moins cher dans des zones moins accessible et moins équipés en service public.
Plus au sud de Norrebro, en limite avec Frederiksberg (le quartier riche à l'ouest de la ville, avec le lycée français où je suis intervenu), le quartier a connu des émeutes dans les années 1980 pour les mêmes raisons. Des barricades de 3 mètres de haut ont été élevées et des combats avec les forces de police ont eu lieu pour conserver un espace vert. L'un des immeubles limitrophe est maintenant squatté et sert de centre social autogéré pour le quartier. C'est aussi le centre de convergence pour les manifestations contre la COP15.

IMG_9198.JPG Les quartiers populaires sont des lieux de luttes et d'engagements sociaux. Les lieux alternatifs qui servent de point focal à cette activité ne peuvent exister dans les quartiers bourgeois. Du 11 au 18 décembre, le collectif Climate Justice Action appel à une dizaine d'actions ou de manifestations. Sans l'appui logistique du Climate collective rien n'aurait pu se faire. Ces militants fonctionnent sans hiérarchie formelle, sans organisation définie. Ils se réunissent par affinité et arrivent à coordonner des centaines de volontaires et héberger des milliers de militants.

Les lieux alternatifs comme Folkets Hus ou Solidaritetshuset permettent de se réunir, se rencontrer, échanger. Ils focalisent et facilitent le débat politique, fournissent des bases logistiques (stock de matériel d'affichage, lieu de réunion, café associatif, cuisine populaire). Sans ses lieux indépendants, c'est tout un pan de la critique du processus de la COP15 qui n'aurait pas pu trouver de lieu d'expression.

La lutte contre la gentrification est souvent vécu comme une lutte des classes et je la trouve particulièrement intéressante du point de vue du géographe. Pour d'autres exemples, plongez vous dans les archives de Radio Sterni, une radio libre et en français qui m'a fait découvrir le phénomène depuis Berlin.