Je me brossais les dents il y a un instant, et l’image que le grand miroir de ma chambre me renvoyais est finalement étonnante et illustre ce denier voyage en Afrique. Je porte un pantalon de bazin blanc, acheté et taillé sur mesure au Togo il y a une semaine. C’est un bazin de luxe, un tissu de coton amidonné (en principe du Mali mais j’ai l’impression que le mien vient d’Allemagne) très confortable et agréable à regarder, même en France. Je veux dire que ce n’est pas un tissus tape à l’œil comme les chemises africaines immettable sous nos cieux (mais que j’ai pourtant acheté en nombre... pour les amis sûrement)

La coupe est assez large car j’ai du perdre plus de 10kg depuis mon départ de France le 19 février. Mes joues sont creusés, j’ai l’impression que mon ventre a trop de peau, je peux compter mes côtes et admirer mon épine dorsale. Je ne grignote plus du tout depuis 3 mois et je ne compte plus les repas sautés, les raisons sont nombreuses. La fatigue du soir ou la chaleur du jour ne me pousse pas à la recherche. Il m’est des fois impossible de trouver autres choses que de la cuisine de rue à l’hygiène suspecte : les plats sont vendus sur les trottoirs, séparés de la route (poussiéreuse) par un égout à ciel ouvert. Mon hôte ou mon hôtel ne cuisine pas comme convenu. Le plat est si épicé ou gluant que ne fait que gouter une bouchée…

Je n’ai quasiment rien perdu (à part du poids) depuis mon premier départ en février 2008, mais aujourd’hui j’utilise une brosse les dents achetée dans un supermarché voisin car j’ai oublié la mienne dans l’hôtel précédent. Au début de mon voyage je n’arrêtais pas de faire 3 fois l’inventaire de mon sac mais en fait très peu d’objet sont absolument utile, et la plupart peuvent être remplacé dans le pays où je suis. Même le vol de mon ordinateur et de mon appareillage de prise de vue dans un train en Serbie l’an dernier non pas été trop grave grâce à ma bonne assurance (Filia MAIF) et à mes sauvegardes sur un disque dur externe.

Même la musique que j’écoute sur mon ordinateur alors que je tape ce texte me ramène à cet univers de voyage, ce monde différent dans lequel je vis pour le moment. Jimi Hope, un artiste togolais, chante une espèce de blues en ewe ou dans une autre langue inconnue et incompréhensible. Son album a été réalisé dans les pays du Nord et je l’ai vu en concert au Centre Culturel Français de Lomé au Togo. J’ai assisté à plusieurs spectacles dans les CCF à travers l’Afrique de l’ouest où ils jouent un rôle important tant il est difficile de trouver des salles de concerts corrects pour les artistes. Tant pis pour le rôle néo-colonial de l’ex-pays dominateur, que se retrouve promoteur d’une culture locale disponible pour une élite et bien différente de la soupe synthétique et réductrice qui se déverse dans les rues.

Je vais maintenant quitter ma chambre d’hôtel moyen de gammes pour essayer de visiter le port, sans doute le principal point de contact entre le Ghana et le monde extérieur. J’ai utilisé hier l’air conditionné pour la première fois tant l’air était moite après un orage. Mais le bruit du vieil appareil était trop fort et j’ai éteint. Le ventilateur au plafond n’a plus qu’une vitesse et branle dangereusement en tournant. L’unique lampe de la chambre a un verre a moitié cassé et joue à cache-cache avec les pales du ventilo, donnant un aspect stroboscopique désagréable. Les détails s’enchainent : le sommier à lattes disparates et pleins de trou qui vous casse le dos, les planches de la porte découpé à la hache et qui ferment difficilement, le beau carrelage de la salle de bains concassé pour faire rentrer la chasse d’eau des toilettes dans un espace trop étroit…

Dernier coup d’œil dans la classe avant de partir. Ah oui, penser à trouver un coiffeur ! Le dernier n’avait pas l’habitude des cheveux de blanc. D’habitude il se contente de raser les têtes noires. Moi il m’a taillé aux ciseaux. Mieux vaut garder une casquette sur la tête pour cacher le massacre pour le moment.