Un article de presse également reçu sur ma boite mail.


LEMONDE.FR | 22.05.08 | 11h05 • Mis à jour le 22.05.08 | 11h09

Le baril de light sweet crude pour livraison en juillet a atteint 133,17 dollars, mercredi 21 mai, sur le New York Mercantile Exchange (+ 4,10 dollars), tandis que le Brent de la mer du Nord terminait la séance à Londres à 132,70 dollars (+ 4,76 dollars). Le baril a dépassé 135 dollars, jeudi 22 mai au matin, dans les échanges électroniques en Asie. Les marchés ont peu apprécié la chute des stocks de brut et d'essence aux Etats-Unis la semaine dernière et la baisse du dollar. Mais c'est une inquiétude plus générale et plus sourde sur la capacité des pays producteurs à répondre à la demande future qui alimente la flambée pétrolière et menace gravement la croissance mondiale.

Mardi, le brut avait fortement progressé, notamment en raison des propos pessimistes tenus par T. Boone Pickens. Enrichi dans l'or noir avant de créer un fonds d'investissement, le milliardaire américain prédit un baril à 150 dollars fin 2008 – une perspective encore peu envisagée il y a quelques mois. "85 millions de barils par jour, c'est tout ce que le monde peut produire, et la demande est à 87 millions. C'est aussi simple que cela", avait-il déclaré, la veille, sur la chaîne CNBC.

Pas de détente des cours en vue Les raffineries ne souffrent pas de ruptures d'approvisionnement. Pour autant, les spécialistes n'envisagent pas de détente des cours, comme en témoigne l'envolée des futures depuis le 1erjanvier. Dans la seule journée de mardi, le prix d'un baril livrable en 2016 (l'échéance la plus longue) a augmenté d'environ 8,50 dollars pour atteindre 139,50 dollars. Du jamais vu de mémoire de traders! Ces barils, livrables au cours de la prochaine décennie, se renchérissent plus vite que ceux livrables dans le mois à venir : depuis janvier, les premiers ont augmenté d'environ 60% et les seconds de 39% "seulement".

Patrons de groupes pétroliers, experts ou financiers, tout le monde s'inquiète de l'offre à moyen terme. Peu de dirigeants de majors croyaient aux données optimistes de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui prévoyait une production quotidienne de 116 millions de barils en 2030. Comme d'autres pétroliers, le directeur général de Total, Christophe de Margerie, répétait qu'il serait très difficile, voire impossible, de dépasser le seuil de 100 millions de barils.

Défenseur des intérêts des pays consommateurs de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l'AIE semble revenir à plus de raison. Elle va fortement réviser à la baisse ses prévisions d'augmentation de la production, indique jeudi le Wall Street Journal. Ce resserrement de l'offre, au moment où les pays émergents (Chine, Inde, Golfe persique, Russie…) consomment de plus en plus de pétrole, s'explique par le déclin des grands champs pétrolifères (Arabie saoudite, Russie, Mexique…) et le manque d'investissements dans de nombreux pays producteurs. Ainsi, au Moyen-Orient (deux tiers des réserves mondiales), l'avenir n'est pas assuré. Notamment en Iran, où la production stagne, et en Irak, qui dispose des troisièmes réserves mondiales. Toujours dans l'attente d'une loi sur le pétrole, les investisseurs ne se risquent pas dans ce pays qui est loin d'être stabilisé. Cet avenir n'est pas mieux assuré en Russie ou au Mexique.

Le renchérissement des matières premières, des équipements et de la main-d'œuvre a fait exploser les coûts des projets et réfréné l'ambition des pétroliers. "Ces coûts sont devenus un des nouveaux fondamentaux orientant les prix du pétrole", expliquait récemment Daniel Yergin, le président du Cambridge Energy Research Associates (CERA). Selon l'index des coûts en capital des projets d'exploration-production établi par les experts de cet organisme réputé, ces coûts sont restés stables entre 2000 et 2004, avant de doubler entre 2005 et 2008. De nombreux projets ont été retardés pour des raisons financières et techniques, accroissant les tensions sur l'offre à venir.

Jean-Michel Bezat